La tortue à éperon

Actuellement en voie de disparition, une équipe de chercheurs tente de sauver l'espèce.

A Madagascar, la tortue à éperon est actuellement en voie de disparition. Toutefois, un programme de protection, conduit sous la direction du britannique Ron Reid, du Jersey Wildlife Préservation Trust, donne un espoir pour la préservation de son existence. Le programme de conservation de cette espèce rare a d'ailleurs déjà permis la reproduction de plus de 100 jeunes animaux, dans leur milieu naturel.

Le "jardin d'enfants" du centre est trop étroit. Les bébés tortues affamés se bousculent pour leur repas et se précipitent pour manger les feuilles vertes des végétaux. Les jeunes animaux, de couleur jaune moutarde, sont déjà âgés de quelques années mais ils ne sont pas plus grands qu'un poing d'enfant. En effet, les tortues grandissent lentement. Chez les tortues éperonnées (geochelone yniphore), endémiques à Madagascar, il faut au moins 15 ans pour que les femelles déposent leurs premiers oeufs. La disparition graduelle de l'espèce avance ainsi très vite.

Il y a 10 ans, on estimait le nombre de l'Angonoka (c'est ainsi qu'on appelle ces reptiles en malgache) entre 100 et 400 au maximum. Ces tortues rares au monde sont actuellement en disparition. Ce n'est que très récemment que le Jersey Wildlife Préservation Trust britannique (JWPT) a réagit. Sous la direction de Ron Reid, le travail de préservation de l'espèce a commencé avec 5 mâles et 3 femelles. Aujourd'hui, ces tortues terrestres peuvent se reproduire au gré de leur envie et de leur humeur, dans une zone protégée de la station de recherche d'Ampijoroa, située à environ 100 kilomètres à l'est de la ville portuaire de Mahajunga.

Parmi les 250 individus de cette espèce, l'Angonoka n'est pas la plus grande avec sa carapace longue d'un demi mètre. Mais une caractéristique unique la rend très spéciale: sous son cou se trouve un éperon en forme de langue. Ce prolongement de la carapace au niveau de la poitrine remonte jusqu'au cou, si bien que l'animal est obligé d'incliner la tête sur le côté de l'éperon pour se nourrir et boire de l'eau. Pour les femelles, cet éperon naturel représente une contrainte alors que les mâles en ont besoin pour combattre leurs rivaux.

Avec leur éperon en guise de corne de bouc, les prétendants adversaires se bousculent et essaient de se renverser. Celui qui tombe à la renverse perd son droit sur les femelles et aura de surcroît du mal pour remettre d'aplomb son poids de 25 kilos. La victoire rend le mâle le plus combatif dominant et il peut sur le champ passer à l'accouplement collectif. La période de reproduction commence au mois d'octobre et se termine au mois de décembre.

Après environ 6 semaines de gestation, la femelle creuse un premier nid. Pour ce faire, elle utilise ses pattes arrières qu'elle enfonce de plus en plus dans le trou afin de sonder la profondeur.

Ensuite, elle pond jusqu'à 6 oeufs dans un tunnel profond d'environ 13 centimètres. Près d'un mois après, elle creuse un second trou et dépose encore quelques oeufs. A chaque pondaison, la femelle délivre jusqu'à 20 oeufs dans plusieurs trous. En juin, c'est à dire au début de la saison sèche, la pondaison prend fin. Puis, dès le début du mois de novembre, quand la pluie et la chaleur s'abattent sur l'île, les petits éclosent. Seulement la moitié des oeufs arrivent à terme. On remarque qu'il est curieux que les petits naissent en même temps, indépendamment des mois où la femelle a déposé les oeufs, que ce soit en janvier ou en juin. Ensuite, commence le long combat pour la survie des jeunes animaux dotés d'une délicate carapace. Comme les tortues se délectent avec les excréments de sangliers, elles se trouvent souvent sur leur chemin et se font piétiner. Le plus grand danger concerne les feux de brousses. Dans les régions sèches de Madagascar, chaque année des milliers d'hectares de buissons et de steppes brûlent. Ainsi, d'innombrables animaux disparaissent dans les flammes. Les habitants de cette région ne mangent pas les tortues car pour eux c'est interdit (fady). Néanmoins, ils aiment bien posséder une angonoka chez eux, en guise d'animal domestique. Pour ne pas la laisser s'échapper, ils percent un trou dans la carapace de l'animal et l'attache avec une ficelle. Autrefois, les tortues étaient exportées en grande quantité dans les îles voisines des Comores, où elles y étaient bien entretenues. Les milliers de carapaces jonchées sur le sol, desséchées par le soleil, en témoignent aujourd'hui encore à Moroni et à Anjouan.

A l'origine, on ignorait tout de la superficie de la zone de répartition de ces reptiles, qu'un naturaliste vaillant a décrit pour la première fois en 1885. Aujourd'hui, on sait que ces tortues vivent seulement sur une superficie d'un peu moins d'un km2, au Nord Ouest de Madagascar. Les derniers spécimens vivant en liberté se concentrent sur un périmètre de 20 kilomètres autour de la baie peu profonde de la mer de Baby.

Tout récemment, une étudiante en biologie de nationalité américaine a passé plusieurs mois dans le désert pour étudier le comportement de l'Angonoka. Elle a découvert qu'il existe probablement encore jusqu'à 1000 tortues de cette espèce vivant en liberté.

Maintenant, Ron Reid se montre plus optimiste qu'il ne l'a été quelques années auparavant. Il y a 10 ans, les débuts de la station ont été difficiles. On ne savait encore rien sur ces animaux. Entre temps, on a appris à les observer. On connaît aujourd'hui les 30 herbes les plus appréciés de cette espèce. On sait ainsi que les Angonoka aiment tout particulièrement les cactus gras.

C'est en 1998 que la première petite tortue vint au monde en captivité. Hélas, la plupart des bêtes qui naissaient à cette époque mourraient. Aujourd'hui, 8 femelles et 9 mâles vivent dans la station et environ 100 petits ont vu le jour sur place. L'objectif à long terme de JWPT est de les laisser de nouveau vivre à l'état sauvage. Mais ce rêve ne se réalisera pas de si tôt. Le premier venu des petits pèse actuellement à peine plus d'un kilo. Il a été maintenant transféré avec ses 6 frères et soeurs du jardin d'enfants au foyer des jeunes.

Comme le processus de remise en liberté dure des années, les chercheurs profitent du temps qui leur est incombé pour étudier minutieusement le comportement et les habitudes des Angonoka. Chaque mouvement, leurs préférences alimentaires et leur comportement social sont observés et notés avec précision. Finalement, on sait si peu de chose sur elles.

Aujourd'hui et comme avant, on ignore encore si la température du sol joue un rôle quelconque pour la détermination du sexe, tout comme chez les crocodiles. En effet, jusqu'à présent, on est incapable de distinguer un mâle d'une femelle. Ce n'est seulement que bien longtemps après l'éclosion qu'on peut le définir. La carapace abdominale est concave chez les mâles et elle reste plate chez les femelles, facilitant ainsi l'accouplement. L'espérance de vie chez les Angonoka reste encore obscure. Une chose est pourtant sûre, c'est qu'elles peuvent veillir, presque aussi longtemps que l'environnement lui permet.

Texte écrit par Franz Stadelmann et publié dans DAS TIER n°1 - 1997.

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